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Bruno Lachnitt

Homélie du 27ème dimanche ordinaire

Je voudrais d’abord m’arrêter sur la première lecture du livre de la Genèse. Ce texte nous dit beaucoup plus que le titre qu’on lui donne parfois : l’origine du mariage. Il dit fondamentalement quelque chose de notre condition de créature. Tout le premier chapitre de la Genèse que nous lisons lors de la vigile pascale, est ponctué comme par un refrain par « et Dieu vit que cela était bon ». Et là, soudain, ce n’est pas bon : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul ». Non parce qu’il risquerait de s’ennuyer mais parce qu’il n’est pas bon que l’homme se suffise à lui-même. Créé à l’image de Dieu, l’homme est un être de relation.

Je ne m’attarderai pas sur cette traduction discutable : « Je vais lui faire une aide qui lui correspondra ». On ne peut ignorer, et c’est heureux, que notre société est marquée par l’aspiration à une nouvelle donne dans la relation hommes-femmes et le choix de cette traduction mériterait d’être interrogé. Certaines traductions disent « une aide contre lui » ce qui marque que l’altérité vient justement empêcher l’illusion d’être tout à soi seul.

On pourrait s’étonner de la réflexion mise dans la bouche de Dieu dans ce récit : « il n’est pas bon que l’homme soit seul ! ». En effet, l’homme n’est pas seul puisqu’il est face à son Créateur. Mais il se trouve que la relation à Dieu lui-même a besoin de la médiation de l’autre. Le plus court chemin de soi à soi, comme de soi à Dieu, passe par l’autre. Refuser d’emprunter le chemin de l’altérité nous engage dans une impasse.

Le texte dit « une aide qui lui corresponde ». S’agissant de cette correspondance, c’est l’exclamation d’Adam sur laquelle nous pouvons nous arrêter : « Cette fois-ci, voilà l’os de mes os et la chair de ma chair ! ». Et l’auteur de commenter : « À cause de cela l'homme quittera son père et sa mère, il s'attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu'un. » Avant de chercher un lien trop facile avec l’évangile, j’entends en écho la seconde lecture de l’épître aux Hébreux : « Jésus qui sanctifie, et les hommes qui sont sanctifiés, sont de la même race » et l’auteur ajoute « pour cette raison, il n'a pas honte de les appeler ses frères ». L’alliance de l’homme et de la femme nous dit quelque chose de l’Alliance de Dieu avec l’humanité. Comme l’écrit Paul aux Ephésiens : « Ce mystère est grand : je le dis en pensant au Christ et à l'Église ».

Pour autant, nous le savons bien, nos vies sont marquées par des conflits, par des blessures aussi, sans pouvoir toujours démêler le mal dont nous avons souffert et celui que nous avons fait à d’autres. C’est le sens de la parabole du bon grain et de l’ivraie que de confier l’ensemble, au bout du compte, à la miséricorde de Dieu.

Or c’est précisément l’articulation de l’exigence et de la miséricorde qui est en question dans cette page d’évangile.

J’observe que c’est « de retour à la maison » que Jésus tient ces propos exigeants, si exigeants que chez Matthieu, ils font dire aux disciples que « si telle est la condition de l’homme, il n’y a pas avantage à se marier ». Or jamais, dans les évangiles, nous ne voyons Jésus exprimer une exigence en-dehors d’une relation où la miséricorde est première. Ainsi le « va et ne pèche plus » à la femme adultère, suit-il le « moi non plus je ne te condamne pas ». Et nous le voyons sans cesse manger et boire avec les publicains et les pêcheurs, et c’est la cause principale de l’hostilité des pharisiens.

Paul nous explique dans l’épître aux Romains que la Loi nous condamne, personne ne pouvant être juste selon la Loi. L’exigence intenable de la Loi nous laisse en butte à la colère de Dieu. Découvrir notre péché par la révélation de l’amour qui pardonne et invite à aller au-delà, c’est tout autre chose que d’être condamné par la Loi. Le grand malheur des pharisiens, c’est précisément d’espérer s’en tirer par la Loi et de ne pas faire miséricorde.

Il y aurait alors pour nous un grand danger à confondre l’exigence de la Loi qui conduit à la mort, avec celle de l’évangile qui s’inscrit dans une relation où le pardon précède l’invitation à aller plus loin. Ce serait trahir l’évangile que de transformer l’invitation à un chemin escarpé qui résulte de l’amour reçu, en une loi normative qui condamne, blesse et exclut. Ce n’est peut-être pas pour rien que la suite de cet évangile nous invite à accueillir le royaume comme un petit enfant. Il s’agirait précisément d’être assez petit pour accueillir par grâce ce qu’aucune prétendue justice ne peut mériter… Puissions-nous ne pas le perdre de vue et à la suite du Christ, nous risquer sans condamner, à « manger et boire avec les publicains et les pécheurs ».

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