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Bruno Lachnitt

Homélie de Bruno Lachnitt pour la messe du jour de Noël

Nous avons évoqué pendant l’Avent la figure de Jean-Baptiste, dont les contemporains ignoraient évidemment que le Messie qu’ils attendaient, apprenait depuis trente ans la vie d’homme et probablement le métier de charpentier, au milieu d’eux, comme n’importe lequel d’entre eux. Aujourd’hui, la liturgie nous donne des textes particulièrement difficiles pour une fête qui apparaît la plus populaire, la plus accessible. Qui ne consonne pas à Noël ? Un enfant nous est né, un Fils nous a été donné, on l’appellera « Merveilleux-Conseiller, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-paix ». Avec le texte d’Isaïe entendu hier soir, l’écho de cette espérance résonne en chacun de nous. Brel dans un poème, reprenait le récit de la nativité, et concluait que c’était tellement beau, cette espérance annoncée, qu’il avait envie de croire que c’était vrai.

Mais le prologue de Jean et l’épître aux Hébreux nous ramènent à cette évidence, qu’il nous est bon de réentendre, que l’événement de l’Incarnation, la Bonne Nouvelle de la naissance du Sauveur, est relue à travers l’événement de la résurrection : on ne peut fêter Noël qu’à la lumière de Pâques. Si bien que si Noël, son charme et sa magie peuvent nous sembler plus accessibles, c’est pour mieux nous permettre de comprendre la lumière qui donne cet éclat. Ce n’est qu’éclairé par l’événement de la Résurrection que Jean peut écrire « le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous ». C’est le premier point.

Le second, c’est l’inouï, voire le scandale d’une telle affirmation. L’épître aux Hébreux souligne bien le contraste : Reflet resplendissant de la gloire du Père, expression parfaite de son être, (…) il s’est assis à la droite de la Majesté divine au plus haut des cieux ; et il est placé au-dessus des anges ». Poser que le Verbe, cette puissance de Dieu même dont le récit de la Genèse nous dit : « il dit, et cela fut », se fasse chair, l’un de nous, sans cesser d’être Dieu, c’est proprement impensable. Etant un peu impliqué dans le dialogue avec des croyants musulmans, je mesure combien la transcendance de Dieu rend pour eux impensable l’incarnation. Et nous sommes quant à nous peut-être trop habitués à cette affirmation pour en mesurer l’inouï.

La Parole, c’est ce qui engage un être. Quand vous dites à quelqu’un : « je te donne ma parole », vous y mettez tout le poids de votre être, vous l’engagez tout entier. L’humanité est parole et la parole nous tient autant que nous la tenons. Tenir parole c’est aussi recevoir la grâce d’être structurés par une parole qui nous fonde et nous charpente. Et quand on dit dans le langage courant de quelqu’un qu’il « n’a pas de parole » c’est une manière aussi de dire qu’il est inconsistant. Inconstant, inconsistant, le voisinage des deux mots en français nous rappelle que nos fidélités nous structurent. C’est le troisième point, qui peut nous permettre d’approcher un peu de ce que dit l’Ecriture quand Jean écrit que la Parole de Dieu, cette Parole créatrice qu’évoque le livre de Genèse, s’est faite chair. Dieu nous donne sa Parole et tient parole dans la fidélité au point qu’il l’incarne au milieu de nous pour nous sauver, nous qui tenons si peu notre parole, qui sommes trop souvent infidèles. Cette parole créatrice, la promesse de Vie originelle, Dieu la tient et l’engage dans la chair pour ouvrir une brèche dans nos impasses. Si la venue de Dieu en la chair est dépouillement de sa divinité comme l’écrit Paul au Philippiens, c’est pour que la chair soit divinisée.

Jean écrit : « nous avons vu sa gloire, cette gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité ». La gloire de Dieu n’a rien à voir avec la démonstration spectaculaire de l’entrée en concert de Johnny Holliday au stade de France, même en mieux. La gloire, dans la Bible, c’est la révélation de l’essence même d’un être, ce qui fait son poids, ce qu’il est en lui-même. Ce dont les apôtres ont été témoins, c’est ce dépouillement du Fils dans la chair par laquelle il a habité parmi nous, et désigner comme sa Gloire cet abaissement, c’est affirmer que Dieu se révèle tel qu’il est dans ce mouvement de prendre chair.

Alors ce mouvement de l’incarnation où Dieu se révèle comme Dieu en se dépouillant, nous indique le chemin de la divinisation de notre propre humanité. C’est ce que nous allons célébrer maintenant dans l’eucharistie, car il y a un lien étroit entre l’affirmation que le Verbe s’est fait chair, et notre Foi qu’il se fait nourriture pour que nous devenions ensemble son Corps pour le salut du monde.



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